L’Histoire des VANDJOUR pour les générations futures
Avant toute chose, il faut rappeler que la France possédait entre 1668 et 1954, pour le commerce maritime des épices entre autres, cinq petits territoires appelés les « Comptoirs Français des Indes » qui étaient : Chandernagor, Karikal, Mahé, Pondichéry et Yanaon. Ces cinq centres de commerce ont été rendus à l’Inde dans le processus de décolonisation. Focalisons nous sur la côte sud-est de l’Inde, sur le territoire de Pondichéry, au sud de la ville de Karikal.
Notre nom de famille apparaît sur la carte de Karikal en 1931.
Voir les anciennes archives sur Vandjour, Vanjiour de l’Inde Française 1168-1954, où notre nom est cité.
Non loin de Karikal à six kilomètres au sud se trouve un village tamoul à majorité musulmane, nommé Vanjiur, où vivait notre famille nommée PAKIRMEDINE, un nom de famille très commun dans cette région. Beaucoup d’hommes nommés PAKIRMEDINE travaillaient dans la grande ville de Karikal. Aussi, pour les différencier, on les appelait (au travail) plutôt par leur lieu de résidence, en l’occurrence « VANJIUR » pour notre arrière grand-père. Ainsi notre nom de famille vient de ce village tamoul du nom de VANJIUR (வாஞ்சியூர்) en tamoul, VANJORE en anglais ou encore VANDJOUR en français. Tout est une question de phonétique, mais c’est le même nom, car le sanscrit ne donne que de la phonétique équivalente pour le français.
Après l’indépendance de l’Inde en 1947, Karikal reste sous juridiction française jusqu’au avant de rejoindre finalement l’Union indienne.
Ce que l’on sait
Pakirmédine VANDJOUR né en 1861 à Mayavaram (rebaptisé Mayiladuthurai). Il était marchand de tissus, de nationalité française de par son père naturalisé à Pondichéry . Il a migré assez jeune vers le Laos, qui faisait partie du territoire de l’ancien empire colonial français, l’Indochine. Officiellement nommée Union indochinoise puis Fédération indochinoise, elle est fondée en 1887 et devint la plus riche et la plus peuplée des colonies. Pakirmédine VANDJOUR est resté un certain temps pour s’installer à Haïphong au Vietnam et rencontrer sa femme Thi Yen DAO.
Nos arrières Grands-parents, Grands-parents, Parents
Parkirmédine VANDJOUR est né en 1871 à Mayavaram (colonie anglaise), à 40 km de Karikal (colonie française). Parkirmédine VANDJOUR était indien musulman et ses descendants masculins se sont dirigés vers cette religion. Ils allaient prier à la mosquée de Haïphong (Ali, Jean, Léon et Armand). Thi Yen DAO ne parlait pas du tout indien et était de pure souche Annamite et Bouddhiste, traditionnellement ce sont ses descendantes féminines qui sont tournées vers le Bouddhisme. Thi Dzu N’GUYEN était d’origine chinoise.
La 1ere maison familiale des Vandjour à Haïphong, quartier de Lac Viên
Sur la première photo, la maison des Vandjour en Indochine est en béton. Elle a reçu une bombe japonaise ou peut être française. La famille a déménagé juste à coté, derrière, dans une maison en torchis du même quartier de Lac Viên à Haïphong (photos suivantes).
Photo prise en 1991 par Albert, à la recherche de la maison de famille
La 2e maison familiale des Vandjour à Haïphong, quartier de Lac Viên
Ci-dessous, la maison où notre famille s’est réfugiée suite au bombardement. Maison en torchis et au toit de chaumes vue du jardin. Une grande pièce principale et deux autres pièces plus petites, de part et d’autre, servant de chambres. A gauche de la photo se trouve la cuisine en dehors de la maison et trois fameux bassins de réserve d’eau de pluie et puits avec margelle.
Retrouvailles en 1991 et 1994 de tout ce qui a été abandonné par la famille Vandjour en 1954 à Haiphong, pour exiler vers Saïgon, aujourd’hui Ho Chi Minh ville. En 40 ans, le carrelage au sol est resté le même, le lit de Dzu et Ali est intact et le bassin d’eau de pluie existe toujours.
Face au bassin, souvenir de la douche extérieure, où se tient Albert.
La maison de famille est repérée ci-dessous par la goutte rouge. Aujourd’hui le quartier est rénové totalement. Il n’y a plus de traces historiques nous concernant. Vous ne trouverez plus rien, hormis la famille N’Guyen relogée (Soeur de Dzu et descendances, photos disponibles sur demande).
Rapatriement d’Indochine en 1956
Après la défaite de Diên Biên Phu (7 mai 1954) et les accords de paix de Genève qui sonnent le glas de la présence française en Extrême-Orient, l’Indochine est partagée en deux. Les Français disposent d’un délai de 300 jours pour évacuer leurs troupes, tandis que le Viêt-minh doit évacuer le Cambodge et le Laos. Les Vietnamiens eux ont un délai pour choisir entre le Sud et le Nord. Tous ceux qui ne veulent pas vivre sous le régime du Nord-Viêtnam (dictature communiste chinoise) peuvent déménager au sud avec tout ce que cela induit. Une partie des Vandjour fuit le régime dictatorial pour 18 mois à Saïgon au sud, puis étant de nationalité française (par le père de Pakermédine), la famille décide d’être rapatriée en France à partir du printemps 1956 pour sa sécurité.
Passeport français pour le rapatriement
Grand merci à Léon qui écrit « Nous voici donc pour un an ou un an et demi à Cholon (Cho Lon en vietnamien du sud), qui veut dire « (le) Grand marché »… , près de Saïgon en 1954-1955. La cité Lyautey est un camp de transit pour les indochinois naturalisés français avant d’embarquer pour la France / Marseille. En effet, le parlé vietnamien du nord est quelque peu différent du vietnamien du sud. Parfois c’est amusant… parfois ça surprend par sa vulgarité (nord) quand on traduit ou qu’on compare un mot… une expression saïgonnaise avec le parlé de Hanoï.
Ilahibi et Albert étaient peut-être un peu plus à l’aise pour se débrouiller avec leur connaissance du français puisqu’ils fréquentaient déjà l’école à Hanoï et à Haïphong. Et moi ?… Eh bien, ma foi, j’ai bien été dans une classe vietnamienne à Loc Vien, derrière « la maison familiale » en torchis et au toit de chaume pendant quelques jours pour apprendre les cinq accents spécifiques au Cuoc Ngu. Ensuite j’ai été au Collège Saint Joseph à Haïphong. C’était un immense collège mais qui avait aussi des classes primaires. Mais ne parlant pas un seul mot français et ne comprenais rien quand les maîtres et maîtresses d’école me parlaient en français !… Quelle angoisse ! J’avais un cartable, un cahier, un crayon… mais je ne pouvais rien faire, à part faire acte de présence, c’est tout.
Même ici, il y avait une école dans ce camp de transit. L’instituteur d’Albert me posait des questions auxquelles je ne comprenais rien ! Cela faisait rire Albert et il a fallu qu’il me traduise tout en vietnamien.
Aujourd’hui je regarde cette photo à Cholon, je nous vois des enfants et des adolescents, peut-être encore insouciants de tout… mais savions-nous quelle serait notre destinée à chacun ?
Ilahibi, Joaline (bébé), Léon, Albert Alice, Fatima et Med
L’avenir semblait si loin et si long à venir qu’on pensait avoir tout son temps pour vivre longuement son enfance. Mais aujourd’hui, devenus adultes, et même parents et grands-parents à notre tour, l’avenir est toujours long à venir et notre passé est déjà si loin derrière, tellement lointain qu’on ne distingue presque plus clairement les milliers de détails qui faisaient pourtant partie intégrante de notre vie. Quoique… le short bouffant que portait Mohamed était rouge à petites fleurs blanches !
Derrière nous, il y a des buissons et des arbres et les grillages du camps Lyautey ; au-delà, c’est la ville dont une longue rue longe notre camp Lyautey et le camp « Bà Cuêo » (orthographe non conforme) côte à côte mais bien distinct.
A droite de la photo, Albert nous avait amenés voir une course hippique située loin de la maison. Tout ce dont je me rappelle c’est d’avoir attendu très longtemps le départ de la course. Quand les chevaux se lancèrent au galop, des jockeys tombent, les gens crient ! C’était la première fois que j’assiste à une course de chevaux. Ouf, ce n’est pas trop tôt de quitter cet endroit et de rentrer à la maison.
Un jour, il y avait eu des accrochages entre le Viet-minh et les réguliers en ville (à Cho Lon, certainement ?…) et pendant plusieurs nuits, le ciel était rouge illuminé par les incendies de quelques quartiers de Cho Lon qui brûlaient comme des feux de joie… ou de paille, des langues de flamme qui montaient parmi les fumées et dans le ciel des lueurs et des ombres qui dansaient lugubres dont le fond semblait être des nuages ou l’épaisseur des fumées. C’était impressionnant. Les parents et les voisins faisaient des commentaires entre eux et se demandaient comment allait évoluer cette situation ?…
J’ai inclus la photo du bateau sur lequel nous avions embarqué pour Marseille. Le Cette photo ne représente pas le paquebot de croisière Paolo Toscanelli mais c’est exactement le même modèle. Certain soir, nous avons droit au projection de film sur le pont en plein air par beau temps bien sûr ; dont le film « Le Corsaire rouge » avec Burt Lancaster.
Juste une parenthèse : il y a exactement 60 ans, le 8 mai 1954 marque la fin de l’Indochine française et qui va devenir le Vietnam du Nord, communiste ayant pour capital Hanoï et le Vietnam du Sud, capital Saïgon non communiste. Les deux Vietnam sont séparés par une frontière arbitraire constituée par la 16ème parallèle sur laquelle et par la suite, les États-Unis vont appliquer le protocole de « Zone démilitarisée » pour ne plus à subir les attaques des guérillas et maquisards qui prendront le nom non plus Viet-minh mais Viet-cong.
Notre Première traversée en bateau c’était pour quitter Haïphong pour Saïgon – Cho Lon pour un transit de 1954-1955.
Ensuite pour quitter « définitivement » notre Indochine, nous avons embarqué sur le Paolo Toscanelli à Saïgon. Les escales pour divers ravitaillements sont Singapour, Colombo (Sri Lanka anciennement Ceylan), Karachi, Djibouti, on remonte la Mer rouge pour traverser le canal de Suez, Suez puis enfin Marseille. Les militaires de la famille, Jacob et Paul Cafour, sa femme Gabriela et leur(s) enfant(s) étaient venus nous accueillir à notre débarquement.
La traversée avait duré 28 jours (plus tard, la durée de la traversée diffère selon la mémoire de chacun…). Entre Colombo et Karachi, nous avons subi une grosse tempête… Certaines personnes vident le contenu de leur estomac jusqu’à la bile !… Les exocets qui se mettent à voler au ras de l’eau lorsqu’ils quittent le flanc d’une vague grâce à leurs nageoires démesurées. Quelques fois ils atterrissent sur le bateau.
En escale à Colombo, les locaux arrivent en barques avec leurs marchandises pour essayer de nous vendre toutes sortes de fruits. Quelques jeunes nous demandent de leur jeter des pièces de monnaies, une par une, pas sur eux mais dans l’eau afin qu’ils plongent pour les récupérer par leur adresse de nageur. En général, ils réussissent et les pièces récupérées leur appartiennent alors.
Djibouti, c’est la région la plus chaude et la plus torride de la terre ! L’air y est presque irrespirable par manque d’oxygène à cause de la chaleur.
Le bateau Paolo Toscanelli comme les autres de même modèle, ont été construits en Italie et étaient peints à l’origine en noir. Ils ont été ensuite réquisitionnés par la France après la 2ème Guerre Mondiale pour être transformés en transports de troupes et… de voyageurs entre autre et repeints en blanc et gris-blanc. En 1990, le Paolo TOSCANELLI termine ses services de transporteur. Il a été envoyé en Corée pour y être désarmé et mis à la ferraille.
Pendant son service, l’équipage du bateau reste Italien, d’où la cuisine italienne pendant toute notre traversée et dont je garde encore aujourd’hui le goût du filet de poisson pané frit… du spaghetti sauce tomate… etc. L’eau est potable à tous les robinets et elle était tellement glacée qu’on a du mal à boire à grandes gorgées. »
Ce bateau de croisière ressemble bien à un rêve pour tous ceux qui aiment voyager mais les rapatriés français d’Indochine étaient logés dans les cales du bateau, serrés comme des sardines, c’était insupportable, surtout à cause de la chaleur étouffante qui régnait durant tout le mois de juillet 1956, alors que les rapatriés français de souche étaient installés dans des cabines bien aérées avec piscine, bars et chaises longues. La famille ne pouvait quitter les cales que pour se restaurer. Pour éviter la chaleur étouffante et les mauvaises odeurs des vomissements des parents qui envahissaient les cales, des enfants montaient sur le pont et plongeaient inconsciemment dans la piscine de première classe. Les gardiens les pourchassaient et les remettaient dans les cales . La nourriture était à base de pâtes (bateau italien) mais le riz qui est une nourriture de base pour les mères vietnamiennes manquait à tous. Heureusement, certaines mères avaient emporter avec elles quelques kilos de riz dans leurs valises. Elles demandaient aux cuisiniers du bateau de le faire cuire spécialement pour elles. C’est le souvenir d’un enfant du CAFI de 10 ans qui rêvait et qui croyait à la grandeur de la France.
Marseille, la famille VANDJOUR débarque du bateau Paolo Toscanelli en provenance de Saïgon.
L’installation pour 3 semaines dans le Camp du Luc (Cannet-des-Maures dans le Var)
A l’été 1956, 1160 rapatriés, dont de nombreuses veuves et 740 enfants, prennent le train de nuit en gare de Saint-Charles de Marseille à destination d’Agen. De là, ils sont conduit en autocars vers la commune de Sainte-Livrade, au lieu-dit « Moulin du Lot » dans ce camp désaffecté depuis 15 ans appartenant à l’armée.
36 baraquements militaires en préfabriqué aux toits de tôle ondulée et carton et sans confort accueillaient les vietnamiens de souche rapatriés français, dont les enfants étaient très métissés (filles et fils de soldats français, tirailleurs marocains, sénégalais, légionnaires roumains, polonais, émigrés russes, allemands,…).
A l’arrivée, chaque famille recevait en prêt le strict nécessaire inventorié par le responsable du matériel du camp. Le Centre d’accueil était administré par un ancien fonctionnaire des colonies qui appliquait à la lettre le règlement très sévère de l’arrêté Morlot. Les rapatriés étaient tenus dans ces lieux clôturés, où toute circulation était soumise à autorisation, où la possession d’un simple réfrigérateur ou d’une télévision était considérée comme un signe extérieur de richesse engendrant l’exclusion définitive de la cité.
Les logements chauffés au charbon ne comportaient aucune salle d’eau ni toilettes et sans eau chaude. Des blocs sanitaires entre les baraquements étaient disponibles. WC à la turque et douches sans isolation. Autant dire que les hivers étaient des punitions supplémentaires pour les familles.
Le Centre d’Accueil des Rapatriés d’Indochine (CARI) deviendra 10 ans plus tard le CAFI, Centre d’Accueil des Français d’Indochine. Sainte-Livrade se situe près de Villeneuve-sur-Lot, dans le département du Lot-et-Garonne. Les premiers VANDJOUR s’installent en France.
L’arrivée au camp (CARI) de Sainte Livrade
Les autocars débarquaient les familles avec une seule valise autorisée par famille. Le temps gris et la boue entre les baraquements pour accueil, les arrivants muets de stupeur comprenaient qu’ils étaient arrivés en France mais pas celle de leur imaginaire.
La maison de famille au CAFI de Sainte Livrade-sur-Lot
La maison « 1956 » du Camp du CAFI de Sainte Livrade-sur-Lot
Jusque dans les années 70, une école primaire était installée dans les bâtiments du CAFI pour les enfants du camp uniquement de la maternelle jusqu’en fin d’études primaires. Ces enfants vivaient dans un monde clos, sans contact avec l’extérieur. Ils étaient orientés arbitrairement en fin de scolarité. Certains se retrouvaient en apprentissage, souvent contre leur volonté dans des professions non choisies ou qui n’étaient pas faites pour eux.
Beaucoup d’enfants connaissaient la vie dure de leurs parents. Pendant les vacances d’été, ils accompagnaient leurs mères ou grand-mères dans les travaux des champs ou bien ramenaient chez eux des sacs de haricots à équeuter, pour gagner de quoi s’habiller et acheter des livres et des cahiers à la rentrée des classes.
Correspondance du Vietnam pour Ali Vandjour en 1981
Anciens bâtiments du CAFI, douches et sanitaires en extérieur.
Vue aérienne du CAFI (Camp de Rapatriés des Français d’Indochine)
Livret de famille en France
Origines ethniques
Suite à un test ADN en 2019, je peux vous dévoiler les origines ethniques des VANDJOUR d’indochine.
Voici les résultats :
- Vietnamien et chinois : 37,7%
- Thaïlandais et cambodgien : 30,0%
- Indien : 18,8%
- Philippin, indonésien et malais : 13,4%
Puisque les chinois se sont implantés durant dix siècles au Vietnam, les 37.7% paraissent très logique. L’inde aussi selon notre Histoire. Pour le reste, je vous laisse méditer …
La suite vous la connaissez …
Pour la famille VANDJOUR
Arbre généalogique VANDJOUR Ali + Zenah (Indochine)
Arbre généalogique VANDJOUR Assambé + Sultan (Indochine)
Pour mes enfants Julie et Timothé
Arbre généalogique GALUT (Aveyron)
Arbre généalogique LE BRETON – LE LOIREC
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Laurent Vandjour